Auteur : Jean-Louis FOURNIER
Genre : Roman
Éditions : Le livre de poche
Date : 2010
Nombre de pages : 150
ISBN : 978-2253-127840
Quatrième de couverture :
Jusqu'à ce jour, je n'ai jamais parlé de mes deux garçons.[....] Aujourd'hui' hui que le temps presse, que la fin du monde est proche et que je suis de plus en plus biodégradable,j'ai
décidé de leur écrire un livre. Pour qu'on ne les oublie pas, qu'il ne reste pas d'eux seulement une photo sur une carte d'invalidité.[...] Grâce à eux,j'ai eu des avantages sur les parents
d'enfants normaux. Je n'ai pas eu de soucis avec leurs études ni leur orientation professionnelle. Nous n'avons pas eu à hésiter entre filière scientifique et filière littéraire. Pas eu à nous
inquiéter de savoir ce qu'ils feraient plus tard, on a su rapidement que ce serait : rien. J'espère quand même que, mises bout à bout, toutes les petites joies auront rendu le séjour
supportable.
Mes impressions :
L'histoire d'un couple, puis d'un père qui a deux enfants handicapés mentaux et moteurs, 2 ans de
différence entre les 2 et le même diagnostic...
Faute à la génétique ou bien au facteur « pas de chance » ?
Alors comment faire face et supporter le quotidien, lorsque deux de nos enfants sont dans l'incapacité « d'être comme les autres », de partager, de grandir, de faire des études, de se
marier et d'avoir à leur tour des enfants. Il est du reste impossible de transmettre un héritage culturel et autres.
Triste constat que ce père de famille aimant nous fait là.
Dès le début il nous parle de son état d'esprit, ses regrets, ses remords, sa culpabilité dans la
procréation, mais aussi du regard des autres, tantôt compatissant, parfois cruel et mesquin, hypocrite et culpabilisant. Il nous raconte la réalité du handicap au quotidien et de comment les
autres, réagissent face à cette dernière.
Comment endurer cela, puisqu'il sent bien qu'il ne peut pas rendre ses enfants heureux. Alors il s'aide mentalement en se moquant de lui même et de la situation; la moquerie devient alors sa
soupape de sécurité et il s'en excuse auprès de ses enfants en disant lui même que se moquer « ça n'empêche pas les sentiments ».
La mort de son premier enfant n'est pas vécu comme un soulagement mais plutôt comme une triste observation de savoir qu'il est décédé sans avoir vécu sa vie d'enfant comme les autres...
Mais il se surprend à imaginer, un matin, se lever et voir ses deux enfants « normaux », et avoir avec eux des conversations normales, de tous les jours, faite de projets, d'envies
diverses, de musique, de cinéma...
Jean-Louis Fournier essaie de donner une définition du handicap en s'aidant de ses ressentis; mais il ne parviendra qu'à dénoncer celui-ci comme une énorme différence vis à vis de la
normalité...mais qu'est ce que la normalité ? Où commence t-elle, où s'arrête t-elle ? Où se situe la moyenne ?. L'auteur est très juste dans ses propos. Très percutant .
Ce roman est fort en émotion, en tendresse et en tristesse mais aussi en humour parfois noir;
souvent le ton est cynique, grinçant, tranchant.
Il démystifie sa souffrance (ses maux) , il l'évacue à sa façon, avec des mots...Les lecteurs perçoivent la rage qu'il se porte mais aussi la douceur et l'amour qu'il voue à ses
enfants.
Il tourne en dérision ses pensées : qu'aurais-je manqué si vous, mes enfants étiez comme les
autres: des problèmes scolaires, des soucis à l'adolescence, avec ses crises; ainsi il liste les inconvénients de l'éducation normale des enfants...mais il regrette aussi tout ce que ses enfants
auraient pu faire s'ils n'étaient pas handicapés : aller à l'école, avoir des récompenses, ressentir la nature, et la joie de partager.
Il se met à rêver des jours non vécus, des jours qui auraient pu avoir lieu si ses enfants n'auraient pas eu seulement « de la paille dans la tête » et un corps qui tient
« debout ».
Ce roman est fort émouvant et très bien écrit; les lecteurs touchent du doigt le rôle du parent qui a des enfants déficients, différents.
Avec de courts chapitres, des mots simples mais avec courage et pudeur, l'auteur se livre pour laisser une trace de ses enfants que bien souvent d'autres cachent par honte du qu'en dira-t-on
.
Il nous apprend ainsi la tolérance et le respect d'accepter et de faire accepter par le corps enseignant et même par la société, les personnes lourdement handicapées.
Ce livre est un témoignage fort, d'amour et de lutte, d'un père qui souffre, et qui préfère sourire de la situation, sûrement pour ne pas pleurer de douleur et de culpabilité. Il évacue ainsi sa
peine.
Des jeux de mots viennent compléter le récit, ses enfants ne jouent pas comme des enfants de leur âge; lui a perdu au jeu de la loterie génétique.
Un livre qui devrait être lus par tous, parents d'enfants dits normaux et parents d'enfants handicapés.
Une belle leçon de vie et parfois même de courage. Il nous sensibilise consciemment sur la place que nous accordons à la « différence » et au handicap lourd.
Je recommande vivement la lecture de ce livre.