Auteur : Jean Anouilh
Genre : Théâtre
Éditions : Folio Théâtre
Date : 2007 pour cette collection
Nombre de pages : 218
ISBN : 978-2-07-034082-8
Quatrième de couverture :
Promené de famille en famille à la suite d'une amnésie provoquée par la grande guerre, Gaston, devenu riche malgré lui grâce à ses arriérés de pension, retrouve par étapes dix-huit ans plus tard chez les Renaud des moments de sa vie antérieure. Seulement, plus les révélations s'accumulent jusqu'à la découverte ultime, plus le divorce s'accuse entre l'être qu'il fut et l'être dont il avait rêvé.
Sur ce canevas qui n'est pas sans dettes vis-à-vis de Pirandello et de Giraudoux, Jean Anouilh compose une pièce forte autour des thèmes de la mémoire, du passé, de la société bourgeoise, de la nostalgie de la pureté et de l'enfance, thèmes qui s'installent pour jamais à l'horizon de l'œuvre. 1937 se révèle ainsi dans sa carrière une date capitale. Le rôle de Gaston fut d'ailleurs tenu par les plus grands : Georges Pitoëff, Pierre Fresnay, Michel Vitold, Daniel Ivernel.
Mes impressions :
Un homme perd la mémoire après avoir été envoyé au front et avoir participé à la Guerre; même si cet événement reste en arrière plan puisque l'intrigue se passe 20 ans après et que les personnages ont vieilli, il est important de le noter puisque les lecteurs peuvent imaginer que l'amnésie du prénommé Gaston est là pour lui faire oublier les horreurs de cette guerre.
Cinq familles, se disent être parentes de Gaston. Elles vont être confrontées à celui-ci à dessein de lui faire recouvrer la mémoire. La famille Arnaud est la première à juger de cette potentialité.
Tous les membres présumés, que ce soit le frère, la mère, les domestiques et même sa belle sœur qui étaient aussi sa maîtresse, décrivent un jeune enfant et un ado tourmenté qui a fait beaucoup de bêtises et non des moindres.
L'amnésie et les avantages financiers de Gaston gérés par l'avoué et Maître Huspar restent le thème principal de cette pièce laquelle se découpe en 4 tableaux de longueurs très inégales.
Le premier est mené avec assiduité par la Duchesse Dupont-Dufort. Son neveu n'est autre que le médecin de Gaston à l'asile de Pont-Au-Bronc. Il présente les personnages et s'attarde sur les regrets de Gaston de n'avoir peut-être pas vécu de joies enfantines ou de ne pas s'en souvenir.
La Duchesse est là pour lui inventer un passé afin d'appuyer la notoriété de son neveu.
L'enthousiasme de celle-ci est opposé au scepticisme de Gaston quant à sa véritable identité.
Les spectateurs et lecteurs apprennent de même que Gaston a une véritable petite fortune en tant que mutilé de Guerre.
Le deuxième tableau est très bref. Sous le regard indiscret des domestiques qui regardent par le trou d'une serrure, nous est révélé le passé trouble de Gaston.
Dans le troisième tableau la mémoire de Gaston se réveille au contact de la famille Arnaud, elle est le témoin du passé indélicat du jeune homme. L'adolescent était difficile. Deux confidences capitales faites par Valentine, sème le doute à la fois chez les spectateurs et lecteurs et sur Gaston lui même.
Le caractère de ce dernier devient plus précis; il est à la fois orgueilleux et a des sautes d'humeurs révélatrices.
Valentine joue un rôle essentiel.
D'un point de vue moral, son passé parfois sordide ne lui plait pas alors Gaston se défend d'être Jacques, il va donc poursuivre dans la comédie de l'amnésie..
Le quatrième tableau très court vient appuyer les hésitations dans les esprits des spectateurs sous le regard du chauffeur et du valet de chambre.
Alors que Gaston est bouleversé par les découvertes sur son passé, l'arrivée opportune d'un petit garçon crée la surprise au cinquième et dernier tableau.
Ce jeune garçon, peut s'apparenter à la conscience de Gaston et donc à son double. Il est aussi un des membres des familles candidates. Leurs deux solitudes vont s'allier pour un futur plein d'espérance.
Le dénouement final reste inattendu et audacieux comme l'est Gaston.
Cette pièce de théâtre mi dramatique, mi comédie se lit facilement.
Elle reste intéressante d'un point de vue, mise en scène, jeux de scène, coups de théâtre et rebondissements. Ce qui permet aux lecteurs de rester captivés.
Le ton est parfois mordant en raison des tensions qui règnent au sein des membres des familles potentielles et au sein même de la famille Renaud, alors que Gaston n'apparait pas sur scène.
Les lecteurs assistent dans un premier temps à la solitude de l'homme sans passé, à son angoisse d'identité, puis à l'hypocrisie des membres de son entourage qui souhaitent lui rendre son histoire en lui construisant un avenir, souvent pour leurs propre gouverne. Tout ceci attise l'intérêt de la pièce, surtout lorsque la situation se renverse.
Nous nous attachons à Gaston pour lequel les révélations sont de plus en plus difficiles à accepter.
L'invraisemblable fin nous montre une vision des rapports humains et de Gaston en particulier; elle reste dans le registre de l'hypocrisie et de la farce.
Une pièce sympathique.
Je pense qu'elle doit être aussi plaisante à lire qu'à regarder jouer.
À noter que cette édition comporte une préface de Bernard Beugnot qui situe l’œuvre dans son contexte et un dossier comprenant une chronologie biographique, une notice, des documents, des notes et un résumé.
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