Auteur : Tatiana de ROSNAY
Genre : Roman
Éditions : Le livre de poche
Année : 2009
Nombre de pages : 280
ISBN : 978-2253127727
Quatrième de couverture :
Bruce, un quadragénaire divorcé, un peu ours, un rien misogyne, est sauvé in extremis par une greffe cardiaque. Après l’opération, sa personnalité, son comportement, ses goûts changent de façon surprenante. Il ignore encore que son nouveau coeur est celui d’une femme. Mais quand ce coeur s’emballe avec frénésie devant les tableaux d’un maître de la Renaissance italienne, Bruce veut comprendre. Qui était son donneur ? Quelle avait été sa vie ? Des palais austères de Toscane aux sommets laiteux des Grisons, Bruce mène l’enquête. Lorsqu’il découvrira la vérité, il ne sera plus jamais le même…
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Mes impressions :
Cette édition est enrichie de deux préfaces, celle de Tatiana de Rosnay elle même
et son père, qui apporte un regard nouveau.
Une greffe d'organe peut-elle modifier voire changer la personnalité du receveur ? Peut-on envisager que le receveur soit « habité » par le donneur ; est-ce qu'il existe une
modification fondamentale d'un être humain récemment greffé ?
Cette nouvelle approche scientifique (épigénétique) était encore d'actualité 10 ans après l'écriture de ce roman édité pour la première fois en 1997.
Le sujet m'interpelle et je me suis plongée dans ce roman avec une attente
précise. Mais j'ai été étonnée dès le début.
En effet, je m'attendais plutôt à une étude de la possibilité citée ci-dessus et j'ai trouvé une histoire romancée qui allie drame personnel et études scientifique et médicale.
Cette histoire de cœur n'est pas complétement une histoire d'amour même si Bruce 'rencontre une femme qui va l'aimer, mais celle d'un homme affecté et affaibli par sa maladie cardiaque et
qui va donner un second sens à son existence..
En effet au début du roman Bruce 42 ans est présenté comme un personnage, abjecte, rustre, impoli, qui rabaisse les femmes a un statut de femelles et les dédaigne ; divorcé d'avec Elisabeth
qui ne supportait plus ses infidélités et attaché à son fils d'une vingtaine d'année. Son second enfant une fille est morte-née ; il en garde une blessure profonde.
Il travaille dans une société informatique et vit seul dans un petit appartement qu'il n'a même pas pris la peine de décorer.
Il a un ami Stéphane avec lequel il joue au tennis une fois par semaine. Chaque jour il dîne dans le même restaurant. Sa vie se limite à cela.Elle est rythmée par ses habitudes.
Suite à une fatigue persistance son médecin lui fait passer des examens médicaux et lui annonce qu'il est atteint de cardiomyopathie obstructive au stade préterminal et qu'il doit arrêter de
boire et de fumer, vices excessifs qu'il possède depuis de longues années. Seule une greffe peut le sauver.
L'attente du greffon s’avère ennuyeuse et sa vie va changer considérablement. Ses sœurs et son ex femme avec lesquelles il n'entretenait pas de bons rapports, tentent quand même de le soutenir.
Son fils continue de rester très proche de lui.
Un jour la greffe tant attendue va pouvoir être effective.
« J'étais souriant, détendu, tandis qu'infirmières et anesthésistes me piquaient, qu'elles installaient sondes et cathéters. Je n'avais pas peur. J'allais être sauvé. C'était le plus beau jour de ma vie »
« De cet inconnu j'ignorais tout. Le professeur m'avait appris que le
don d'organe était un acte anonyme et que l'identité du donneur resterait protégée, de même que la famille qui avait autorisée le prélèvement n'apprendrait pas à qui avait profité ce
don »
La convalescence est longue. Un jour il s'aperçoit que droitier de coutume il écrit désormais de la main gauche depuis le greffe....Il commence alors à se poser des
questions.
À partir de ce moment le personnage rustre qu'il était est devenu plus calme,
plus sympathique plus sensible plus tendre . Le changement de ton est significatif aussi dans la narration, eu égard au début. Bruce se transforme en une personne plus agréable, capable de
sentiments et d'émotions. Il devient moins ironique, moins médisant.
Des plaisirs neufs l'attendent comme faire les courses, arranger et décorer agréablement son appartement, il fait plus attention à ce qui l’entoure et aux couleurs. Ses goûts culinaires se
transforment également.
Un jour alors qu'il se rend au Louvre, son cœur s'emballe devant l'œuvre d'un célèbre peintre Italien, Ucello.
Il en surpris et se confie au chirurgien, qui lui explique que ses sensations n'ont rien avoir avec la personnalité du donneur, il lui explique que ces changements sont dus au fait que sa vie a
été modifiée par la longue et pénible attente de la greffe et que désormais il s'ouvre au monde. Mais Bruce n'est pas convaincu par cette explication et décide de connaître le nom de son
donneur.....Va commencer une belle histoire qui va l'aider à comprendre. Après l'étonnement lié au sexe du donneur, viendra la compassion pour elle.
Il part alors à la recherche de la vie de sa donneuse . « Constance Delambre avait d'abord
été pour moi une présence abstraite. Elle vivait pourtant à travers moi, à travers ce cœur transplanté. Son âme y palpitait encore, par fragments. Quelque chose d'elle, de son humour, de sa
sensibilité, de sa persévérance s'était propagé en moi, s'était dilué dans mon sang. N'était-ce pas son essence qui m'habitait qui avait étoffé le vide de mon existence ? Aurais-je vécu la
même aventure avec le cœur d'une autre ? Étais-je le seul greffé à éprouver cette intimité avec son donneur ? ».
Ainsi l'auteur nous emmène dans le domaine de l'art...et en Italie.
J'ai apprécié la couverture rouge communément celle du cœur et son enracinement dans la terre, qui permet de donner vie à une fleur....
J'ai aimé comment l'auteur nous place face aux interrogations des donneurs et des siennes en particulier.
J'ai été touchée par cette histoire et cette quête du receveur. À travers ses mots il continue de faire vivre la donneuse, Constance qui vit en lui à travers son cœur et lui est sauvé grâce à
elle.
Le mélange entre l'invraisemblable et la réalité m'a émue.
L'auteur s'immerge complètement dans la vie de Constance, il visite son appartement, fait la connaissance de ses parents, se rend en Italie retrouver son amant et lever le voile sur un mystérieux
tableau. Son entourage n'est pas oublié et j'ai ressenti cela comme un hommage qu'il lui rend.
Les courts chapitres donnent le rythme. Il s'agit d'une course pour la vie et contre la mort. Mais la fin plutôt triste est menée d'une bien jolie façon. Telle un tableau elle est colorée et est
en quelque sorte un clin d’œil à la continuité et la perpétuation de la vie:celle de Bruce perdurera à travers le livre qu'il a écrit sur son expérience.
Un roman étonnant qui s'apprécie à sa juste valeur. Il nous dépayse et nous interroge sur la beauté du geste, du don d'organe. Nous sensibilise à cette cause et nous renseigne sur la possible
complication : le rejet du greffon par l'organisme.
Les changements opérés dans la personnalité de Bruce sont véhiculés de façon à le rendre attachant alors qu'il nous était abjecte au début et nous finissons par le trouver sympathique. Nous avons
alors sur lui un autre regard.
J'espère à l'instar de cette transformation que ce livre permettra à ceux et celles qui ne sont pas donneurs souvent par crainte, à poser un autre regard sur ce geste d'amour et les motivera à envisager personnellement cette possibilité.