Auteur : Cyrièle FLORE
Genre : roman poche / Témoignage
Éditions : Cyrièle Flore (Auto édition :
Lulu.com)
Année : 2012
Nombre de pages : 368
ISBN : 978-1291166965
Quatrième de couverture :
C'est une rencontre peu ordinaire : celle de Victor, la soixantaine, et d'Eliza, jeune bénévole à
l'hôpital aux soins palliatifs. Victor a un cancer et ne veut pas y croire. Seul face à son traitement et ses questions, il se rapproche d'Eliza
Mes impressions :
Je remercie infiniment Cyrièle FLORE qui m'a contactée pour me proposer son livre.
Première partie, un homme apprend qu'il a une tumeur incurable, les médecins lui donnent 6 mois à
vivre. Il a 60 ans. Au fil des pages on apprend à connaître cet homme, avant puis après le diagnostic....
Les autres personnages principaux sont sa femme, son fils Éric et sa petite fille Lola puis
Eliza une bénévole qui travaille à l'hôpital en tant que visiteuse.
Avec Victor on vit le choc de l'annonce de sa maladie puis les centaines de questions qui
s'ensuivent. Les interrogations que se posent Victor sont celles de tous ceux qui traversent ce genre d'épreuve et entendent ce diagnostic... : Colère, refus, déni, angoisse, espoir. Victor se
demande alors "pourquoi moi" ?.
Il ne souhaite pas avertir sa femme, ils sont séparés depuis des années....
La maladie est sournoise mais il décide de se battre, accepte la chimiothérapie et se plaît à
imaginer qu'il va vaincre son cancer.
On assiste à la réaction des autres : celle de son entourage n'est pas toujours celle que Victor
attend. Son ami Roger va fuir devant la réalité, par peur et parce qu'elle le ramène à sa propre mort. Sa femme est plutôt égoïste ou alors nombriliste ; même s'ils ne vivaient plus ensemble elle
se demande ce qu'elle va devenir sans lui mais son égocentrisme se cache un profond mal être, une angoisse profonde non avouée...son fils lui apporte beaucoup de soutien, d'écoute, mais malgré
cela il ne souhaite pas lui amener sa petite fille trop jeune selon lui pour affronter la dégradation physique de Victor. Et puis il y a Sylvain, personnage-clé aussi, le voisin de lit ; mais sa
présence sera brève et se terminera rapidement. Son décès va ébranler Victor et Eliza.
Le style au début est simple un peu comme l'attitude de Victor. J'ai remarqué aussi une certaine
légèreté voire frivolité à l'instar de la vie quand tout va bien. Puis, de plus en plus l'écriture devient riche sans être complexe et tout en étant tournée vers la psychologie et la philosophie
de la vie.
L'ambiance alors devient de plus en plus lourde, pesante, profonde sans toutefois être
hyperpathétique.
Ce roman est aussi un magnifique plaidoyer à la médecine, à la vie mais encore à l'amitié et à la
compassion. Au-delà de nous raconter une histoire Cyrièle Flore au travers de ses personnages nous fait nous interroger sur la maladie, la mort, notre rapport aux autres, l'humilité et notre
capacité à se remettre en question
Il y a beaucoup de dialogues qui placent ce roman dans un contexte de réflexion sur le sens de ce
qui nous entoure et de la relation humaine. il nous fait progresser dans nos intimes convictions.
Victor au fil de ses raisonnements et de ses conversations avec Eliza devient meilleur humainement.
Il remet en cause aussi les a-priori qu'il avait sur le monde, les gens. Ses défauts sont aussi une force. Il doit parvenir à se détacher du quotidien et à vivre le moment présent et rester
humble malgré tout et il y arrivera.
Les phrases sont courtes, le rythme soutenu, tout cela donne l'impression de l'urgence et de la
souffrance morale et physique du personnage principal. Il se sent perdu, seul face à lui-même. Eliza le soutient, discute avec lui et c'est elle même qui fait évoluer le personnages dans ses
pensées secrètes. Le bénévolat d'Eliza est un véritable sacerdoce.
Lorsque son voisin de chambre Sylvain avec qui il a lié un lien fort, meurt et il en sera très
affecté ! cela va lui faire prendre conscience qu'avant de mourir lui aussi il doit se consacrer au peu de temps qu'il lui reste pour faire ou dire tout ce qu'il a voulu dire aux siens avant de
partir et avant qu'il ne soit trop tard pour être plus serein Il ne veut pas avoir de remords.
Les personnages sont modernes, actuels, attachants, très émouvants. Eliza consacre beaucoup de
temps aux visites des malades malgré sa vie de famille.
Les narrateurs changent, tour à tour ils s'expriment...Victor puis sa femme et Eliza ainsi de
suite. Ils décrivent leurs idées, leurs ressentis.
Nous sommes dans leur esprit. Eliza croisera la femme de Victor dans les couloirs et avec de courts
échanges elle va aussi apaiser les tensions....
Eliza va aider Victor à accepter les autres tels qu'ils sont avec leur gêne; leur lâcheté, leur
évitement, leur éloignement.
Victor au fur et à mesure des conversations avec Eliza sera de moins en moins sur ses gardes ; il
finira par accepter son aide, il tolère de se laisser aller , à parler, il perd de sa superbe, casse sa carapace.Une véritable rédemption.
Il va se bonifier avec le temps grâce à la vision philosophique et psychologique d'Eliza. Ses
réflexions sur les jugements, les sentiments, les émotions comme le pardon, le doute et bien d'autres sont argumentés de façon irréfutable mais non définitive.
Et Victor apporte à Eliza sans s'en rendre compte, son expérience, son vécu et son courage. Leur
relation est belle et tendre.
J'ai malheureusement connu de nombreux hôpitaux pour écrire sans me tromper dire que l'auteur en
parle très justement. Elle maitrise parfaitement le sujet, de même que le rapport à la mort et à la maladie. Les remerciements en fin de volume nous font comprendre son rôle.
Je retiens l'utilité indéniable des visiteurs bénévoles hospitaliers. Avec leur collaboration
la peur de la maladie perd de son intensité. Je note également la grande lucidité de l'auteur sur l'amitié, le courage, la maladie, le besoin de dignité, l'optimisme malgré les souffrances des
malades.
Ce roman est à la fois un drame et un témoignage.
Il rend aussi un hommage au personnel médical et aux bénévoles qui font souvent un travail
remarquable.
L'humilité d'Eliza, sa sensibilité nous la rendent attachante. Elle est lucide sur la mort, sur les
sentiments des autres, elle est une psychologue avertie quelque part.
Ce livre est une approche au plus juste de la situation du malade.
Il est aussi une prise de conscience : la mort ne doit pas être un tabou.
J'ai envie de dire que la grande sensibilité de l'auteur est thérapeutique, elle montre le chemin
vers l'acceptation, la route pour pouvoir regarder en face la mort même si on est effrayé par elle, à vivre avec elle au quotidien (sans les personnes que l'on aime parfois).
Ce livre est à lui tout seul une superbe leçon de vie. On aurait pu tomber dans le pathos mais
l'auteur a un je-ne-sais-quoi qui nous pousse à aimer ses écrits ! sans doute parce qu'ils sont sincères et représentatifs de ce qu'il se passe aux portes de la mort.
Elle nous apprend aussi à faire le deuil, de nos proches mais pas seulement, également de notre
propre mort quand le moment sera venu.
L'auteur n'oublie rien car elle raisonne avec délicatesse, justesse et réceptivité sur la
nécessité ou non de l'euthanasie, les questions métaphysiques et religieuses comme l'existence de Dieu
L'auteur a bien saisi et décrit aussi que les médecins ne sont pas toujours à l'écoute parce qu'ils
sont très occupés. Parfois c'est la réalité hospitalière qui fait que nous nous sentons juste un numéro de chambre alors les personnes comme Eliza doublé de l'entourage amical et familial sont un
nécessité au passage vers l'autre monde. Si par malheur il arrive que nous ne sommes pas soutenus dans la maladie cela est très dur, d'où la nécessité pour certains malades de trouver des
personnes extérieures, des oreilles qui écoutent, une épaule sur laquelle se reposer.
L'hôpital est à la fois un endroit sécurisant et également un endroit que l'on veut fuir. C'est
paradoxal mais c'est exact.
Ce livre aurait pu être pathétique parce que trop porté sur la maladie et pourtant Eliza va le
transformer en livre indispensable pour chaque malade et leur famille. Il apporte un nouveau regard sur la maladie, les malades, les proches, le personnel hospitalier, le bénévolat, l'aide
en général, la vie, la mort...avec tellement d'humanité et d'altruisme. !
À lire parce qu'il y a un avant et un après cancer.