Auteur : Carole MARTINEZ
Genre : Roman
Éditions : Grasset
Année : 2011
Nombre de pages : 201
ISBN : 978-2070131495
Quatrième de couverture :
En 1187, le jour de son mariage, devant la noce scandalisée, la jeune Esclarmonde refuse de dire
« oui » : elle veut faire respecter son vœu de s'offrir à Dieu, contre la décision de son père, le châtelain régnant sur le domaine des Murmures. La jeune femme est emmurée dans
une cellule attenante à la chapelle du château, avec pour seule ouverture sur le monde une fenestrelle pourvue de barreaux. Mais elle ne se doute pas de ce qui est entré avec elle dans sa
tombe... Loin de gagner la solitude à laquelle elle
aspirait, Esclarmonde se retrouve au carrefour des vivants et des morts. Depuis son réduit, elle soufflera sa volonté sur le fief de son père et son souffle parcourra le monde jusqu'en Terre
sainte. Carole Martinez donne ici libre cours à la puissance poétique de son imagination et nous fait vivre une expérience à la fois mystique et charnelle, à la lisière du songe. Elle nous
emporte dans son univers si singulier, rêveur et cruel, plein d’une sensualité prenante.
Mes impressions :
Les murmures sont une bâtisse de pierre, dans laquelle Esclarmonde élit domicile après avoir
dit « Non » à son prétendant.
La jeune fille de 15 ans désire consacrer sa vie à Dieu et ainsi échapper au mariage forcé avec
Lothaire, jeune homme rustre et suffisant auquel elle était promise.
Elle veut faire respecter son vœu de s'offrir à Dieu et s'oppose au vouloir de son
père.
Elle va alors vivre dans le repentir, le silence et la foi.
Un paradoxe de taille me semble important d'être noté : elle souhaite devenir une recluse pour
fuir les convenances et un futur sombre auprès d'un homme qu'elle n'aime pas mais aussi pour échapper à son père, avec qui les rapports sont tendus : « J'ai creusé ma foi pour m'évader
et cette évasion passe par le reclusoir ».
Ainsi cette jeune fille dit non pour la première fois à l'autorité donc quelque part se
positionne.
« ...et je m'étais choisi un maître contre lequel nul ne pouvait lutter. Je le délaissais,
je l'abandonnais à lui même, je lui préférais Dieu, ce dévoreur de vies. Entre le Père céleste et le père géniteur, j'avais choisi de glorifier le premier au dépens du
deuxième ».
Cependant les métaphores dans le texte sont très significatives de la vision qu'elle a de sa
réclusion.
« Le pontife m'a conduite jusqu'à ma cellule, je me suis allongée dans la tombe qu'on m'y
avait creusée, alors il m'a bénie une fois encore et jeté sur mon corps un peu de terre pour signifier mon entrée toute vive dans le domaine des morts »
« Et moi je resterai en ma cellule, contemplant les univers que le Christ me donnerait à
voir, immobile, toute à mon voyage vertical, à mon ascension par la prière et chacun saurait où me trouver, comme on sait trouver un moulin ou une tombe »
« Et moi qui me croyais à l'abri du diable en ma tombe »
Le jour de sa réclusion un fait grave se passe : elle se fait violer et ce drame aura des
conséquences dramatiques sur sa vie et celle de sa famille.
Le fait d'être enfermée aura des avantages, rentrer dans les ordres mais aussi se laver du
péché.
Pourtant les mots qu'elle emploie pour décrire sa condition et son choix de vie ne sont pas
synonymes de plénitude et de gaieté.
La vie de cette jeune femme emmurée va être difficile ; cependant elle ne perdra pas le
contact avec la réalité puisqu'elle parle au travers de la fenestrelle, elle se distrait simplement avec les bruits du dehors qu'elle entend et qui sont la vie.
Finalement je pense qu'elle éprouve une incapacité à être totalement hors du monde et à se tourner
essentiellement vers Dieu.
« Mais ma position donnait une telle force à ma parole que des inconnus s'y soumettaient
et qu'ils s'en trouvaient mieux. J'aidais chacun à supporter ses peines, à racheter ses fautes, à regagner la foi ».
On lui attribue des miracles et d'autres la jugent plus durement mais quoi qu'il en soit elle ne
laisse pas indifférent.
Un jour pour une raison que je tairais pour ne rien dévoiler de l'intrigue, elle demande à sa
belle-mère d'envoyer son père en Terre sainte, pour une croisade et participer à la libération de Jérusalem.
Elle va vivre de ses sensations et par procuration le voyage de son père , qui ne reviendra pas
vivant....
Le chemin qu'elle parcourt à la fois dans son intimité et psychologiquement la fera
« grandir ».
Le dénouement à demi-inattendu reste quelque peu étonnant.
Ce livre m'a été conseillé par une bibliothécaire et j'avoue que j'ai été un peu
déçue.
Si la narration de la quête de cette jeune fille restait intéressante, les passages sur la croisade
de son père m'ont ennuyée.
Bien sûr il est important de lire l'histoire pour comprendre que cette croisade a un but précis et
que donc il était important qu'elle figure dans le roman puisqu'elle fait partie intégrante de la vie de cette famille. Peu sensible à cette cause, et peu incline à la religion, seules
m'importaient les descriptions de la vie de recluse d'Escarmonde.
Je tenais à connaître ses pensées, ses appréhensions mais aussi les libertés qu'elle
s'accorde.
Par contre, je trouve que le style narratif lié à l'époque avec des expressions précises donnent au
récit le ton qu'il lui convient et permet de le replacer facilement dans le contexte.
Dans ces descriptions l'auteur passe de la lenteur (du sacrifice) à la
sauvagerie.
Ce livre parle de la faiblesse mais aussi du courage, de la force et de la fragilité
féminine.
Il est un complet paradoxe, le rythme est comme un balancement entre tous ses
contrastes.
Je ne le garderai cependant pas longtemps en mémoire mais pourra plaire à
d'autres....