Auteur : Raphaëlle RIOL
Genre : Roman
Éditions : La brune au rouergue
Année : 2012
Nombre de pages : 200
ISBN : 978-2812604577
Quatrième de couverture :
Fin d'été au Repos-fleuri, une maison de retraite où de vieilles dames survivent à leurs époux défunts. Parmi elles, Alphonsine, 89 ans, assise par hasard à côté d'Alice, 30 ans, une jeune femme venue rendre visite à sa grand-mère.
Contre toute attente, la vieille et la jeune se découvrent quelques points communs inattendus, dont le refus de la résignation et le sens de la révolte. Deux femmes qui aiment cultiver le féminin singulier et la ligne de fuite... Dans ce deuxième roman, Raphaëlle Riol confirme son talent libre. Dans ce roman ironique, elle nous embarque à grande vitesse à la suite de deux Amazones modernes dont la seule alternative pourrait être de devenir des Madame Bovary ou de tuer.
Mes impressions :
Alice est-elle logique ? : elle voit les maisons de retraite comme des mouroirs. L'espérance de vie augmente mais dans quelles conditions vivent les plus âgés ? isolés, malades, grabataires, incapacité de faire des activités....
L'ironie est grinçante quand on sait que même si l'espérance de vie augmente cela n'empêche pas la dégradation du corps, cette réalité est énoncée à peine voilée. Vivre plus longtemps oui mais seulement si on reste en bonne santé et en bonne forme.
L'auteur nous délivre un autre regard sur la vieillesse ici réaliste et sans langue de bois.
L'histoire au départ est simple, Alice va voir sa grand-mère à la maison de retraite.
Lors d'un repas ensoleillé long et ennuyeux avec les résidents elle rencontre Alphonsine assise à côté d'elle, une vieille dame pragmatique, révoltée, non résignée.
Toutes deux décident de s'échapper quelques jours. Elles fuient leur environnement. Alice embarque Alphonsine dans sa voiture, direction la maison familiale. Une escapade quasi improvisée qui les mènera du Havre, à Loupiac en Gironde, puis à Marseille, avant un retour à la case départ.
Peu à peu nous découvrons qui sont ses deux femmes à travers leurs pensées, leurs vécus, leur caractère. Elles se racontent tour à tour dans les chapitres, l'une après l'autre.
Ces deux solitudes qui se rencontrent feront par la suite étoffer respectivement le cercle de connaissance de l'autre.
Jean Bernard Cavalier collègue de travail d'Alice, il est son binôme de travail. Elle ne le supporte plus. D'ailleurs elle a donné sa démission.
L'ami (fiancé) d'Alice Robin est décédé de façon inattendue et surprenante
D'autres personnages apparaissent, il y a Max le voisin de la campagne de Loupiac. Il est le seul homme qui ne sera pas critiqué par les femmes du roman.
Alphonsine souhaite retrouver ses copines du «club des amazones», elles sont des mamies, vivantes, remuantes, et ne se laissent pas ennuyer par les hommes de leur vie. Elles ont décidé de prendre le dessus sur eux.
Chaque personnage nous livre de son vécu, de son histoire personnelle les grandes lignes de son existence, celles qui l'a marqué.
Les femmes sont toutes révoltées, insoumises et refusent de ressembler à Madame «Tout le monde»
Alphonsine est une épouse frustrée et elle a même été l'amante d'un boucher. Ces propos sont remplis de haine et de révolte pour son mari qui ne la respectait pas...puis des hommes en général.
Derrière ses airs de «dure» Alice est une jeune femme en rébellion mais fragile, elle s'est automutilée à 17 ans et dit se réjouir de la mort de son amant. Elle a des relations tendues avec notamment sa soeur, femme rangée mère irréprochable épouse parfaite
Alice a peur de grandir parce qu'elle a peur de perdre l'innocence et entrer dans un monde hypocrite et malveillant, celui des adultes
Une part d'elle-même restera éternellement en enfance.
Alors que tout le monde s'accorde pour dire que la vieillesse égale dépendance ici nos mamies amazones sont libres, contre la résignation la «végétation».
L'humeur est morose, mais nos mamies ne s'embarrassent pas de peines inutiles, elles agissent, elles vivent à fond et refusent les clichés sur l'âge avancé et son lot de limites.
Les personnages sont attachants, de par leur singularité, leur naturel leur blessure, leur énergie parfois mal utilisées
Alice et max le voisin campagnard dévoile leur pensée, raconte leur joyeuse ou peu gaie, leur peine, leur joie. Max est sensible et apporte donc de la douceur, de la poésie et de l'amour. Lui construit des totems à l'image de la vie et de l'âme des personnes....
Le roman est une suite de réflexions, maximes parfois philosophiques, d'observations cassantes, et de confessions parfois pénibles.
Sont présentes beaucoup de métaphores surprenantes voire cruelles, cocasses notamment entre le cochon et le porc de mari de Joséphine
Alphonsine dit «longtemps que je n'étais plus sa "colombe" mais plutôt sa pigeonne, ou plutôt la dindonne de sa farce abjecte» ou
«on affronte ses peurs dès lors qu'on accepte d'y renoncer».
Ce roman démontre que la vieillesse est synonyme de temps qui passe, laissant des signes sur le corps, sur l'âme mais on peut retarder les effets dévastateurs en restant alerte, enjouées et lucides.
Frais vivifiant, inquiétant même, délicieusement ironique, féministe et drôle ce roman est un road movie Français !
L'écriture est poétique, sensible. Le roman parle des destins de femmes qui ne se veulent pas fatalistes.
Il est dynamisant ; il dresse des portraits de femmes (soeurs, amies, mères) plus ou moins, enthousiastes, soumises On les découvre avec leur rapport à l'homme : pour les unes la révolte domine, pour d'autres c'est la satisfaction béate, ou encore la soumission ! D'autres n'aspirent qu'à la liberté.
Les propos sont parfois crus, violents, sans concessions pour la gent masculine parce que les personnages principaux règlent leurs comptes avec les hommes !
Les lecteurs machos et fiers de l'être n'y trouveront pas leur compte et seront sûrement agacés !
La fin (fatalité) se devine j'ai envie de dire douloureuse.....
Un excellent roman vif et ardent !